Après ces 27 années passées à exercer le métier de Peintre sur mobilier, à le faire respecter, à le valoriser, à le faire connaître, puis toutes ces années à former des artisans d’art dans ce domaine (bientôt 10 ans déjà), l’envie m’est venue de faire le point sur ce métier. En ajoutant mes 5 ans de travail en tant que salariée pour un antiquaire, réalisées avant de devenir une indépendante, me voilà dans le domaine de l’ameublement depuis 32 ans !!!!!!!
Le métier de Peintre sur mobilier est un Métier d’Art que l’on trouve sur l’Arrêté Ministériel du 24 décembre 2015 qui définit la liste officielle des métiers d’art. https://www.institut-metiersdart.org/metiers-art/ressources/la-liste L’ancien Directeur du Magazine Le Point, Frantz Olivier Gisbert avait publié un très beau message sur l’Artisanat : « Le secret de la réussite des artisans c’est sans doute qu’ils sont dans le sens de l’Histoire. Ils ont même quelques décennies d’avance. Alors que la grande distribution saccage les paysages, asphyxie le commerce de quartier, vide les centres villes, ne songe qu’à faire de la marge et inonde les consommateurs de produits délocalisés, les artisans, eux, font exactement le contraire.
Ils jouent la proximité et le « made in France », de surcroit, dans un monde où tout devient interchangeable, ils cultivent l’identité et la continuité avec un vrai métier qu’ils acquièrent avant le transmettre grâce à l’apprentissage ». Merci à F.O.G. pour ce grand respect affiché pour les métiers artisanaux. Les Peintres sur mobilier sont de plus installés, pour la plus grande majorité d’entre eux. Elles dans des petits villages où ils participent au maintien d’une vie dans ces territoires.
I – En quoi consiste réellement ce métier et quelles sont les fonctions visées par cette activité ?
Le.la peintre sur mobilier transforme des meubles, des boiseries ou des objets à l’aide de techniques actuelles ou héritées du 18ème siècle. Après avoir élaboré un projet décoratif en harmonie avec l’intérieur de son client, il.elle décape le support. Il.elle pose ensuite une couche d’impression adaptée au support et à son projet décoratif. Il.elle créé et fabrique ses couleurs pastel ou vives, réalise des décors classiques, des décors contemporains, géométriques ou figuratifs ou encore des imitations de matières. Il.elle fabrique et pose une ou plusieurs patines avec des pigments ; un ou plusieurs effets décoratifs. Pour finir, il.elle effectue un travail de finition et de protection de l’ouvrage pour assurer sa pérennité.
Le.la peintre sur mobilier répond aux commandes de particuliers, de commerçants, de collectivités locales, d’églises et d’entreprises. Il.elle travaille aussi en partenariat ou en sous-traitance avec des architectes d’intérieur, des décorateurs, des ébénistes, des sculpteurs, des tapissiers d’ameublement, des peintres en bâtiment, des menuisiers etc… Il.elle peut également vendre des meubles et objets qu’il a réalisés mais cette ressource sera plus aléatoire que le travail sur commande pour lequel il y a une vraie demande.
Les appellations similaires ou approchantes pour le métier sont :
– Peintre sur bois
– Peintre sur meubles
– Peintre restaurateur d’ameublement
– Restaurateur de meubles.
– Décorateur sur bois
Dans la nomenclature de la Chambre de Métiers différent métiers d’art s’exercent sous le code APE est le 31.09B-A : Canneur, Rempailleur, Vernisseur, Tapissier d’ameublement, Tapissier Décorateur, Doreur, Laqueur, Peintre sur mobilier, Ebéniste, Menuisier en siège, Marqueteur, Marqueteur de paille, Sculpteur sur bois.
II – Description des différents postes de l’activité professionnelle du.de la Peintre sur mobilier
L’activités du.de la Peintre sur Mobilier gravite autour de cinq grands champs dont un est transversal à tous les autres. Les voici :
A – Création et pérennité de son entreprise
Dans un premier temps, le.la peintre sur mobilier doit choisir son statut professionnel, être en règle avec la législation des TPE, développer une stratégie commerciale, son marketing et choisir les bons canaux de communications et information sur son activité (site internet, supports de communication, flyers, cartes de visite, prospection, participation à des salons artisanaux, réseaux sociaux…) afin de se faire connaître des particuliers et des autres professionnels, artisans, susceptibles de devenir des partenaires.
Il.elle doit trouver ou aménager un local chauffé dans lequel il.elle pourra exercer son métier, sans oublier qu’une partie de ce métier s’exécutera au domicile de sa clientèle lorsque les meubles et boiseries ne pourront être transportées ou auront des parties fixes.
Il.elle doit choisir le matériel adéquat (en termes de qualité auprès de prix), trouver ses fabricants, fournisseurs, distributeurs.
Il.elle doit faire l’acquisition d’un véhicule adapté à son activité.
Il.elle doit se confectionner, en plus de tous les échantillons réalisés en formation relooking meuble, d’autres échantillons afin de pouvoir les présenter à ses clients pour leur permettre d’imaginer le projet décoratif proposé.
Une fois le client trouvé, il.elle doit aller voir le meuble au domicile du client, étudier sa demande, puis déterminer l’essence de bois, le style, l’époque et le mode de fabrication et établir un diagnostic de son état afin de déterminer s’il y aura des petites restaurations à faire après son décapage et avant la réalisation du décor.
Puis il.elle présente les possibilités de décors à l’aide d’échantillons de bois peints et décorés ainsi que de photos de réalisations antérieures. Après avoir recueilli les attentes du client, il.elle élabore un projet décoratif qui est la synthèse entre les attentes du client, son intérieur et le style du meuble et rédige un devis en estimant le prix de sa prestation et le lui soumet.
B – Préparation et décapage d’un meuble, d’un ensemble de boiseries :
Dans un second temps le.la peintre sur mobilier dépose l’ensemble de la quincaillerie en démontant soigneusement les éléments métalliques, puis en la nettoyant et il démonte toutes les parties mobiles du meuble. Puis selon le style du meuble, il.elle détermine les techniques à réaliser et assure le décapage du meuble en fonction de la méthode la plus pertinente.
C – Petites restaurations et préparations des surfaces
La troisième grande activité du .de la peintre sur mobilier consiste en la réalisation des opérations de petites restaurations : reconstitution de sculptures cassées, suppression de cloques de placage ; collage d’assemblages déboîtés, traitement contre les xylophages ; lissage ; masticages de petits trous et de rayures, reconstitution de pieds rognés, d’angle de plateau cassé ; Pose de flipots, de tourions ; choix et pose d’une couche d’impression adaptée au support et au projet décoratif.
D – Elaboration et réalisation d’un projet artistique
La quatrième activité consiste ensuite à l’élaboration des différentes techniques en fonction du projet artistique à réaliser.
Ces techniques peuvent être : la fabrication et la pose des couleurs, pastels ou vives, la réalisation, de réchampis, de décors classiques stylisés ou figuratifs avec ombres et lumières adaptés au mobilier, de décors contemporains ; le travail spécifique sur la veine du sapin ou sur la maille du chêne (céruse, effet grisé), la réalisation d’Arte Povera, la réalisation de faux (faux cuir, fluid’art, fausse dorure usée, faux métal : la métallisation à froid, faux porphyre, faux granit) mais aussi, la réalisation d’une peinture à la colle de peau, la finition en bois naturel blondit, les effets « bois brut » la recherche de patine en fonction des couleurs réalisées, la protection de l’ouvrage et le nettoyage, pose des quincailleries et remontage des meubles.
E – Le tri des déchets : L’activité transversale.
Enfin le.la peintre sur mobilier utilisant dans ses activités des produits pouvant être nocifs pour l’environnement, à chaque étape de son travail (décapage, restauration, décoration) il.elle a pour obligation à l’issue de son travail de trier ses déchets de peinture, de les emballer et de les déposer à la déchetterie. Concernant les produits et déchets dangereux il.elle doit stocker ses liquides sur des bacs de rétention et faire le choix d’un centre de stockage spécifique ou d’un prestataire pour une solution de recyclage adaptée au produit. Les compatibilités de stockage des produits entre eux doivent être connus ainsi que les pictogrammes de européens de l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents de travail et de maladies professionnelles).
III – Cadres d’exercice de la profession de Peintre sur mobilier les plus fréquents
A. Secteur d’activité et taille des entreprises ou services employeurs
Dans la majorité des cas le.la Peintre sur Mobilier crée sa propre structure et travaille sous le statut d’artisan d’art ou auto-entrepreneur (statut temporaire) inscrit à la Chambre de Métiers, Profession libérale, SASU, EURL … Le stage préalable à l’installation exigé pour intégrer la formation de l’Atelier Garance aidera le futur professionnel à choisir le statut adéquat. Il permettra au.à la porteur.se de projet de bien préparer sa création d’entreprise, l’ouverture de son atelier, d’acquérir les connaissances de base essentielles dans les domaines juridique, fiscale, social, comptable et pour la création d’une entreprise artisanale.
Ses clients sont des particuliers, des décorateurs d’intérieurs, des architectes d’intérieur, des entreprises spécialisées dans l’habitat, des hôtels, des ébénistes, des menuisiers, des antiquaires, des tapissiers, des commerçants de toute nature (devantures, boiseries intérieures, comptoirs) mais aussi des mairies, des églises…
Il.elle peut également, mais plus rarement, être salarié (e) de grosses structures pour lesquelles la rénovation ou l’entretien du mobilier, de sculptures, des huisseries ou des boiseries est journalière : musée, société spécialisée dans la restauration de mobilier, établissement touristique de luxe. Une ancienne et brillante élève de l’Atelier Garance est salariée d’un grand Atelier en région parisienne.
Le.la Peintre sur Mobilier exerce son métier sur le patrimoine public ou privé, en son nom ou en sous-traitance parfois, pour des partenaires.
Dans certains cas, en plus de ses activités, le.la Peintre sur Mobilier peut également avoir des compétences connexes dans d’autres métiers d’art et être : ébéniste, tapissier, peintre en bâtiment, artiste peintre, … Face à une demande client récurrente, se former à de nouvelles compétences l’aide à développer son entreprise. Plusieurs tapissiers, ébénistes, menuisiers diplômés et expérimentés ont fait le parcours certifiant de Peintre sur mobilier à l’Atelier Garance car ses compétences correspondaient à une demande récurrente de leur clientèle. Ils.elles ont désormais une « double casquette », avec les doubles qualifications et ont la capacité à répondre à différentes demandes avec toutes les compétences nécessaires. Il ne faut pas faire l’erreur de préparer une certification de tapissier, par exemple et faire un petit stage de quelques jours en patine sur meubles. Ou bien encore, préparer la Certification de Peintre sur mobilier et faire un petit stage de tapisserie. Le manque de compétences nuit toujours et le peu que vous connaîtrez sur cette seconde activité vous privera aussi d’un excellent partenariat avec un artisan réellement compétent dans le domaine que vous aurez refusé de privilégier.
B. Responsabilité et autonomie caractérisant les postes ciblés
Le.la peintre sur mobilier travaille généralement en tant qu’artisan d’art en complète autonomie pour le compte de ses clients au sein de son atelier d’art. Il.elle se doit cependant de respecter leurs attentes lors de la commande au risque de perdre sa clientèle. La capacité à écouter un client et le guider dans ses choix est donc fondamentale.
Cependant il.elle peut également travailler sur des projets en partenariat avec des ébénistes, des sculpteurs, des décorateurs, des architectes d’intérieur, des tapissiers d’ameublement, des peintres en bâtiment, des carreleurs … avec lesquels il.elle doit respecter le Cahier des charges.
IV – Règlementation d’activité
Il n’existe pas de réglementation spécifique au Peintre sur mobilier, cependant les titulaires de la Certification respectent la réglementation concernant le tri des déchets et de façon générale et pour chacune de leurs réalisations, les mêmes règles de l’art que les peintres en bâtiments, les vernisseurs et les restaurateurs de mobilier.
V – Le contexte économique et politique passé et présent :
• 2003 : Arrêté Ministériel donnant la Première liste officielle des Métiers d’art (On y trouve « le Peintre sur bois »)
• 2014 : Loi du Sénat de 2014 qui reconnait les Métiers d’Art comme un secteur économique à part entière.
• 2015 : Arrêté Ministériel du 24 décembre donnant la nouvelle liste officielle consolidée des Métiers d’Art (On y trouve « le Peintre sur mobilier »)
• 2016 : La loi du 07.07.2016 implique que les Métiers d’Art peuvent être exercés sous n’importe quel statut. Certes, mais SEULE la Chambre de Métiers (elles sont régionalisées aujourd’hui) peut octroyer le Titre d’Artisan d’Art.
• 2016 : Les Chambres de Métiers créent le label REPAR’ACTEURS pour tous les métiers de la réparation et du ré-emploi.
• 2017 : Edouard Philippe veut développer l’économie circulaire du réemploi : Le Peintre sur mobilier s’inscrit dans ce « réemploi » car il décape, restaure et repeint des meubles existants.
• 2018 : Edouard Philippe crée une mission pour préserver les Métiers d’Art. Trois députés sont nommés, dont Philippe Huppé. https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/locale/piece-jointe/2020/01/france_metiers_dexcellence.pdf https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/locale/piece-jointe/2020/01/france_metiers_dexcellence.pdf
• 2018 : création de l’annuaire des Répar’acteurs https:..www.annuaire-reparation.fr.
• 2019 : Le rapport « France, Métiers d’excellence » est présenté par le Député Philippe Huppé le 16 janvier devant la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale avec 22 propositions pour sauvegarder les Métiers d’Art.
• 2020 : L’Institut National des Métiers d’Art est appelé à devenir l’Agence Française des Métiers d’Art et du Patrimoine Vivant sous la nouvelle direction de Anne-Sophie Duroyon-Chavanne.
Les ambitions de cette nouvelle Agence sont de développer la transmission des savoir-faire, tant vers les nouvelles générations que pour les personnes en reconversion ; de fédérer les acteurs des métiers d’art et du patrimoine vivant et de les accompagner dans leurs projets de développement et d’innovation ; d’informer le grand public sur ces métiers, savoir et expertises, ayant trait à notre culture, notre patrimoine immatériel et à notre économie et le transformer en amateur et acheteur.
VI – La transmission des savoir-faire.
La transmission des savoir-faire est fondamentale. Elle est devenue un but pour moi. C’est elle qui permet qu’un métier ne meurt pas, c’est elle qui permet à une jeune génération de gagner sa vie en exerçant le métier qu’on lui a transmis. Elle demande beaucoup d’expertise, de maîtrise, de préparation, de questionnement, de Qualité au sens labellisé du terme, d’abnégation aussi, de sens du bien commun. Ce chemin parcouru d’artisan d’art à Organisme Certificateur, fut passionnant et l’est encore.
Le meuble peint a de beaux jours devant lui. Les clients, de plus en plus, veulent conserver la qualité de meubles qu’ils possèdent pour les faire peindre à des spécialistes du domaine. Beaucoup ont arrêté de jeter, pas tous, certes, mais beaucoup ont pris conscience de la nécessité de changer les modes de consommation. Pendant la crise sanitaire, les Peintres sur mobiliers ont vu les demandes décupler ! Beaucoup d’entre eux étaient surbookés ! Toutes sortes de meubles peuvent être peint, décorés, modifiés, relookés, sublimés : anciens, modernes, massif, plaqués, grands, petits, beaux, originaux, rigolos… Petit à petit, l’opinion comprend que c’est un vrai métier et que l’on ne peut pas confier un meuble que l’on aime à des amateurs.trices. Un jour, les clients se diront « tiens, il faut que j’appelle un Peintre sur mobilier » comme ils se disent aujourd’hui « Tiens, il faut que je contacte un ébéniste, un tapissier… ».
Pour finir, je vous présente une très belle réalisation de Sandra LAURENT diplômée depuis février dernier et qui vient d’ouvrir son atelier à Strasbourg. Il y a eu un travail important de restauration sur cette travailleuse qui était en mauvais état, très belle restauration qui lui a valu une mention du Jury de Certification et dont vous pouvez voir les étapes sur le lien suivant : https://www.facebook.com/atelier.de.madame.la.comtesse/
Le diagnostic sans complaisance de ce très joli meuble fut établi par Sandra : Très beau placage de noyer du plateau cloqué ou disparu à plusieurs endroits ; façade de tiroir avec des morceaux manquants et placage qui se décolle ; tâches d’encre et pied mal recollé qui cause un écart disgracieux entre les côtés et le pied ; placage des côtés qui se décolle et des angles manquants ; intérieurs (casier et tiroir) parsemés de fissures, trous et décollement en tout genre.
Patience et compétences sont les deux principales alliées de notre métier !